Eau et substances (in)organiques dans les boues activées

  1. L’eau dans la boue

La boue activée est pleine de matière organique principalement de l’eau. Le pourcentage d’eau dans la boue peut être de 99% et plus.
L’eau présente dans la boue activée peut être divisée en plusieurs classes. Les différentes classes d’eau sont distribuées selon le type et l’intensité de leurs liaisons physiques avec des particules solides. Dans une boue en suspensions, 4 sortes d’eau peuvent être distinguées :
  • Eau libre, non liée aux particules.
  • Eau interstitielle, liée par force capillaire.
  • Eau de surface, liée par forces adhésives.
  • Eau intracellulaire, présente à l’intérieur des cellules.
Seule la partie eau libre peut être séparée lors de la déshydratation mécanique (centrifuge, filtre presse, etc.). L’eau liée, qui est fortement attachée à la boue de surface, peut seulement être supprimée par un procédé thermique.

2. Les particules d’origine non bactérienne

A côté des micro-organismes et des particules excrétées par ces mêmes micro-organismes, des substances (in)organiques non produites par la biologie peuvent être contenues dans les boues activées. Il y a aussi souvent des macro-particules entrant le bioréacteur avec l’influent qui s’accrochent aux flocons de boue : fibres papier, sable, argile sels précipités, plastiques, etc.
A quel point ces particules sont présentes dans la boue dépend fortement du type d’eau usée et de la présence ou non d’une unité de dessablage, d’une pré-clarification, d’un dégrillage et/ou d’un prétraitement en amont de la station d’épuration.

Inhibition par composés toxiques

Dans certaines circonstances, l’efficacité d’un système aux boues activées peut soudainement diminuer, et dans le pire cas, être nulle. Des composés toxiques présents dans l’influent sont normalement à l’origine de ce phénomène. Une fois dans le bioréacteur, ces substances inhibitrices ont un effet négatif sur l’activité biologique.
Exemples d’inhibition : toxicité due aux métaux lourds, empoisonnement par des composés organiques particuliers (phénols, détergents cationiques, antibiotiques, etc.), présence d’oxydants forts, etc.

Pour préserver un bon fonctionnement de la station, la présence de composés toxiques dans l’influent doit être limitée à un minimum absolu.
L’effet exact sur la biologie dépend, parmi d’autres facteurs, de la nature et de la concentration des composés inhibiteurs et des conditions environnementales (pH, potentiel redox, etc.).
L’effet de toxicité sur un procédé de traitement des eaux usées peut être divisé en 3 catégories :

  • Inhibition de l’activité. La population microbiologique travaille encore, mais à un moins bon rendement qu’à l’habitude.
  • Arrêt total de l’activité microbienne. Toutes les bactéries meurent, ou sont « capturées » dans un état végétatif statique, dans lequel ils sont métaboliquement inactifs. Dans certains cas, l’activité biologique peut reprendre une fois les composés toxiques sont supprimés du bioréacteur.
  • La troisième catégorie est une forme de toxicité plus spécifique. L’activité générale n’est pas affectée, seule la dégradation d’une certaine sorte de substrat est inhibée. Ce problème est souvent rencontré dans des systèmes où des composés xénobiotiques sont dégradés par co-métabolisme.
Afin d’évaluer l’impact d’une inhibition sur un procédé de boues activées, il est important de connaître les mécanismes à l’origine de la toxicité des certaines substances. Les composés cellulaires et processus suivant sont sensibles aux effets toxiques :

  • L’enveloppe cellulaire d’une bactérie peut être complètement détruite par les métaux lourds, phénols, détergents, ammonium quaternaire ou certains alcools. La perméabilité de l’enveloppe membranaire augmente et peut devenir mortelle pour la cellule elle-même.
  • Le changement de structure de certaines protéines/enzymes, avec comme résultat une perte de fonction cellulaire. Ceci peut être causé par des halogènes, phénols et autres alcools.
  • Interférence avec l’activité intracellulaire des enzymes peuvent ralentir voire stopper le métabolisme. Les composés toxiques produisant cet effet sont : la cyanite, les oxydants forts (chlore, hypochlorite, etc.), phénols, métaux et métalloïdes.
  • Interférence avec la production d’acides nucléiques (= ADN et ARN) peuvent inhiber la reproduction bactérienne (= division cellulaire). Les métaux lourds génèrent ces effets toxiques.
Les conditions environnementales jouent un rôle très important sur l’impact que les substances toxiques ont, en particulier concernant les métaux lourds. Leur toxicité est déterminée par leur concentration, leur état d’oxydation, le pH environnant et les potentiel redox mis en jeu, le type de système empoisonné (aérobie ou anaérobie, nitrifiants, etc.) et le potentiel d’adaptation de la bactérie en question.
Les formes toxiques des métaux sont en fait leurs sels solubles (= ions) complexes anioniques. Les sels non dissous, les oxydes et éventuellement les métaux élémentaires sont rarement toxiques.
L’effet pH est double : d’abord les bactéries sont directement sensibles au pH. Evidemment, pour des valeurs pH trop hautes ou trop basses la toxicité est due au pH lui même. Le pH a aussi un effet indirect sur la toxicité des métaux. La solubilité des ions métallins dépend du pH : plus le pH est bas, plus les concentrations en métaux dissous dans l’eau sont importantes (= précipitation hydroxyde moindre), la toxicité étant alors plus grande.

Dans un système anaérobie, tout le souffre est présent sous forme de sulfite, alors qu’ils se trouvent sous forme de sulfates oxydés dans un système aérobie. Puisque la solubilité des sulfites métallins est plus petite que celle du sel sulfateux, la fraction de métaux lourds précipités sera plus importante dans un système anaérobie. C‘est pour cette raison qu’un trop important pourcentage de métaux lourds peut être dangereux pour le bon fonctionnement d’une station anaérobie. En général, un système anaérobie est néanmoins moins sensible à la toxicité due aux métaux (si S2- est assez présent et les concentrations en métaux pas trop élevées) qu’un système aérobie.
Les bactéries nitrifiantes ont la réputation d’être très sensibles à ce genre d’inhibition.

En dessous, une liste de composés inhibiteurs est dressée avec leur concentration toxique. Une étendue de concentration est donnée : la valeur la plus basse représente le seuil d’inhibition, la valeur la plus haute correspond à l’arrêt immédiat de l’activité biologique.
Remarque : la liste suivante n’est certainement pas complète, d’autres composés toxiques existant :
  • Cuivre : 0,01 à 20 mg/L (très toxique)
  • Zinc : 0,3 à 10 mg/L
  • Cadmium : 0,1 à 20 mg/L
  • Chrome : 25 mg/L
  • Nickel : 25 mg/L
  • Plomb : 900 mg/L
  • Cobalt : 0,3 à 10 mg/L
  • Mercure : 0,01 à 20 mg/L
  • Méthanol : 90 mg/L
  • Isopropanol : 55 mg/L
  • Acétone : 75 mg/L
  • Pentachlorophénol : 1 to 200 mg/L
  • Cyanite : 10 to 150 mg/L
  • Produits dérivés pétrole : 200 à 500 mg/L (transport O2 bloqué)
  • Carbohydrates chlorés : 100 à 500-1000 mg/L





Température d'eau du bassin biologie


Les systèmes aux boues activées opèrent normalement sous une température de 5 à 35 °C (température mésophilique). La température dans un tel système, la température détermine le taux et la vitesse des réactions de dégradation biochimique. Plus la température est importante, plus les réactions sont rapides :

  • Dégradation du substrat;
  • Accroissement de la biomasse;
  • Nitrification/dénitrification
  • Etc.

De plus, les boues activées récupèrent plus facilement d’un choc toxique lorsque les températures sont plus élevées. Les principales raisons à ceci se trouvent dans l’augmentation du taux de croissance des boues pour des plus hautes températures.

En résumé : Une station d’épuration travaille plus efficacement à une haute température. Cependant, si cette température atteint un niveau trop élevé (> 35-40 °C), l’activité biologique ne supporte plus cette température. Si la température est trop haute pendant un trop long laps de temps cette perte d’activité peut devenir permanente et même totalement irréversible !
Les réactions de nitrification sont particulièrement influencées par la température. Le taux de nitrification diminue considérablement lorsque la température descend en dessous de 20°C et est pratiquement nul si une température de 10°C est atteinte. Les réactions de dénitrification dépendent un peu moins de la température.

Nutriments eaux usées


Les nutriments sont essentiels pour la croissance des boues, limitant celle ci au niveau de la formation cellulaire. Les plus importants sont l’azote (= N) et le phosphore (= P) ; ils sont aussi appelés macronutriments.
N et P doivent être présents selon un rapport spécifique dans la charge organique entrant. En littérature, les valeurs 100/5/1 sont optimales pour le rapport DBO/N/P de l’eau usée pour des systèmes à haute charge. Un rapport DBO/N/P = 100/5/1 signifie en fait que pour 100 mg/L DBO la biomasse a besoin de 5 mg/L N et 1 mg/L P.
Pour une station à faible charge, (croissance des boues plus petite) un rapport DBO/N/P = 100/3/0,5 peut être utilisé.

Outre N et P, les micro-organismes ont aussi besoin de micronutriments. En littérature, on parle de Ca, Mg, Mn, Fe, Cu, Cr et Co comme les micronutriments les plus importants.
Si les nutriments ne sont pas disponibles en quantité suffisante dans l’eau usée brute, ils doivent être ajoutés. Cela implique l’ajout de N et P en premier lieu, mais il est aussi possible que d’autres éléments soient dosés dans l’eau usée (en particulier pour le traitement de condensas).

pH (degré d’acidité)


Le pH optimal pour des bactéries aérobies se situe autour de 7, milieu neutre. Le pH de la boue activée doit toujours être entre 6,5 et 8,5.
Remarque : cette étendue de valeurs s’applique seulement au degré d’acidité du bioréacteur. Cela signifie que si le pH est plus bas ou haut dans l’influent, et que le pH dans le bioréacteur reste situé entre 6,5 et 8,5 il n’y a pas de problème du tout.
Le pH d’un influent acide peut monter du fait de la biodégradation de composés acides et/ou en cas d’ammonification. Le pH d’un influent basique peut chuter du fait d’une acidification, dégradation de composés basique, nitrification et/ou production de CO2 (légèrement acide, propriétés tampon : équilibre CO2-bicarbonate-carbonate).
Le degré d’acidité des boues en suspension est défini la plupart du temps par une mesure du pH sur l’effluent. Le pH de l’effluent étant le même que dans le réacteur.
Si l’eau à traiter contient beaucoup de NH4+-N (> 100 mg/L), il est préférable de travailler en pH 6,5 et pH 7,5 puisque une concentration élevée NH4+-N à haut pH entraîne une production plus forte de gaz NH3 (odeur !). De plus cela a un effet négatif sur les réactions de nitrification.

NH3 – NH4+ en fonction du pH

Oxygène (aération/mélange)

L’apport d’oxygène est indispensable pour oxyder la matière organique et l’ammonium grâce à la biomasse présente. Un manque d’oxygène influence immédiatement l’efficacité d’abattement. L’oxygène doit être fourni sous forme dissoute, d’où le terme oxygène dissous, “Dissolved Oxygen” en anglais (= D.O.).
Une concentration D.O. minimale entre 1 et 2 mg O2/L doit être conservée dans le bassin d’aération.
Dans un système aux boues activées, 3 procédés nécessitent l’apport d’oxygène :
  • Respiration du substrat : oxydation du substrat (0,6 kg O2/kg DBO).
  • Respiration endogène : maintenance cellulaire (0,08 - 0,15 kg O2/kg MLSS*jour).
  • Nitrification : conversion de l’ammonium en nitrate (4,6 kg O2/kg N).
L’approvisionnement en O2 peut être effectué à l’aide d’aérateurs de surface (amène l’eau en contact avec l’air environnant), d’une aération à fines bulles (injection de petites bulles d’air dans l’eau) ou d’un aérateur immergé. Il arrive parfois que de l’oxygène pur soit utilisé pour l’aération de station d’épuration.
L’aération consiste en 2 procédés de base :

  • Processus physique : l’oxygène est dans l’eau et ensuite transporté vers les flocons de boue (diffusion et turbulence).
  • Processus biochimique : avant que l’oxygène puisse être utilisé par les cellules organiques, les molécules d’O2 doivent être diffusées à travers la membrane cellulaire.
Evidemment, le transfert d’oxygène dans un système biologique est influencé par de nombreux facteurs : composition de l’eau usée, température, type d’aération, caractéristiques des boues et configuration du réacteur. Cependant, ceci est un sujet compliqué et ne sera pas étudié en détail.

Une déficience en oxygène dans une station d’épuration peut être causée par :

  • Surcharge organique : charge > charge maximale définie.
  • Trop de matières grasses, huiles ou autres surfactants dans le bioréacteur.
  • Concentration en boue trop importante : impact négatif sur le taux de transfert d’oxygène et augmentation de la respiration endogène.
  • Amas volumineux de boue : boue filamenteuse (Nocardia).
  • Mauvais fonctionnement du système d’aération.

La concentration en oxygène dissous peut être plus faible à l’endroit où l’eau usée arrive dans le bassin d’aération. La demande en oxygène est ici plus forte (plus de substrat libre disponible), d’où la création d’un gradient de D.O. dans le bioréacteur mélangé.

Un manque prolongé d’oxygène peut conduire à :
  • Diminution de l’efficacité d’abattement.
  • Formation d’une biomasse filamenteuse, donc moins bonne décantabilité.
  • Nuisance olfactive, due à la formation d’acides volatiles et H2S dans des conditions anaérobies.
  • Arrêt total des réactions de nitrification (= oxydation de NH4+-N) et donc plus de suppression d’azote.
Des concentrations d’oxygène trop élevées n‘influencent pas directement l’efficacité d’abattement, mais les concentrations de D.O. > 5 mg O2/L doivent être évitées car :
Zone aéré (bassin biologie)
  • Gaspillage d’énergie;
  • Plus petits flocons (= mauvaise décantabilité /effluent turbide).
  • Peut être à l’origine de la formation de filaments.






Débit d’alimentation (quantité et composition)


Chaque station d’épuration des eaux usées est développée pour être capable de traiter une certaine quantité de matière organique. Cette quantité ou charge organique est généralement exprimée en kg DBO ou DCO par jour ou en EH (Equivalent Habitant = 1 EH = 54 g DBO).
Il est primordial de respecter la charge maximum et de ne pas la dépasser ! Cette charge maximale est la charge prise en compte lors du dimensionnement du réacteur.
Il est aussi très important que cette charge soit homogène si l’on veut obtenir un effluent de qualité à tout instant. Les pics de charge doivent être évités à tout prix ! Lorsque cette charge organique nominale est dépassée, on parle de surcharge du système. Les appareils pour l’aération de l’eau usée ne pourront pas suivre et fournir la quantité d’oxygène nécessaire.


Une telle situation a un impact très négatif sur le processus de traitement :

  • Détérioration de la qualité de l’effluent : teneur en O2 insuffisante pour oxyder/dégrader tous les composés organiques (DBO/DCO);
  • Conditions anaérobies à l’intérieur des boues activées : production microbiologique d’acides gras et de H2S (= problème d’odeur !).

La composition de l’eau usée compte aussi énormément. En général :

  • La culture bactérienne se forme en fonction de la composition de l’eau usée entrante. Les grands changements dans la composition ou quantité d’eau ne peuvent être traitée de manière optimale;
  • Pas de composés toxiques
Les matières grasses et huiles ne sont que partiellement biodégradables et ont des effets néfastes sur certains procédés de biodégradation et sur la sédimentation des boues granulaires. Les graisses et huiles doivent absolument être supprimées lors d’un prétraitement ! Lorsque la teneur en graisses et huiles dans l’eau usée devient trop importante, cela conduit souvent à un « entassement » des boues (= capacité de décantation amoindrie).


processus aux boues activées


Le processus aux boues activées peut être influencé par plusieurs facteurs. On se doit de créer des conditions optimales de fonctionnement afin d’obtenir un traitement des eaux usées le plus performant possible.

Les paramètres les plus critiques/importants sont listés ci-dessous :